Racheter une société à la barre du Tribunal

Racheter une société à la barre du Tribunal


La mise en place d’un projet entrepreneurial ne nécessite pas forcément la réalisation toutes les formalités requises pour la création d’une société. Dans un objectif de réduction des coûts et de simplification des formalités, un entrepreneur peut procéder au rachat d’une société pré-existante dans le secteur d’activité ciblé. Si l’entrepreneur peut opter pour une cession de fonds de commerce classique, le droit des entreprises en difficulté prévoit une procédure de reprise d’entreprise pour les sociétés en situation de cessation des paiements.

 

En ce sens, l’article L642-1 du Code de commerce dispose que « lorsque le tribunal estime que la cession totale ou partielle de l’entreprise est envisageable, il autorise la poursuite de l’activité et il fixe le délai dans lequel les offres de reprise doivent parvenir au liquidateur et à l’administrateur lorsqu’il en a été désigné ». Ce mécanisme de cession  permet d’acquérir une société clé-en-main disposant de sa propre main d’œuvre et clientèle et débarrassée de son passif.

 

Celui qui envisage d’acquérir une société en situation de cessation des paiements s’intéressera aux conditions d’une telle cession (I) ainsi qu’à ses effets (II).

 

 

I – Quelles sont les conditions de la cession d’entreprise en cessation des paiements ?

 

Il existe des conditions relatives à l’auteur de l’offre de reprise (A) et des conditions relatives au contenu de l’offre (B).

 

A – Les conditions tenant à l’auteur de l’offre de reprise

 

L’article L642-3 du Code de commerce prévoit les incapacités en matière de cession d’entreprise dans le cadre d’une procédure collective :

 

« Ni le débiteur, au titre de l’un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre ».

 

Durant un délai de cinq ans à compter de la cession, ces personnes visées ne peuvent acquérir tout ou partie des biens compris dans cette cession, directement ou indirectement. Il en est de même pour l’acquisition de parts ou titres de capital de toute société ayant dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens, ainsi que des valeurs mobilières donnant accès au capital de la société.

 

Les actes passés en violation des dispositions de l’article L642-3 du Code de commerce sont nuls, à la demande de tout intéressé ou du ministère public, dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l’acte ou, le cas échéant, à compter de sa publicité.

 

Aux termes de l’article L642-1 du Code de commerce, la cession d’entreprise poursuit deux objectifs : le maintien de l’activité et des emplois et l’apurement du passif.

 

Par conséquent, le cessionnaire doit avoir lui-même l’intention de maintenir l’activité et les emplois de la société cédée. En ce sens, la jurisprudence a retenu qu’une société cessionnaire ne peut reprendre et poursuivre elle-même l’activité de la société cédée lorsqu’elle n’exerce pas cette activité à laquelle elle est étrangère. Dès lors, lorsqu’il apparaît que la finalité de la cession est la réalisation d’une opération immobilière à laquelle est liée, accessoirement, la reprise d’une société en difficulté, il s’agit d’un dévoiement de procédure (CA Paris, 23 juill. 1992 ; CA Paris, 21 févr. 1995).

 

Le maintien des emplois ne signifie pas nécessaire un maintien total. Il se peut que la poursuite de l’activité nécessite des licenciements pour motif économique. Dans cette hypothèse, l’article L642-5 alinéa 5 dispose que le plan de cession ne peut être arrêté par le tribunal qu’après la mise en œuvre de la procédure prévue par l’article L1233-58 du Code du travail (obligation de consultation du comité social et économique).

 

S’agissant de l’apurement du passif, la jurisprudence admet que cet apurement peut être partiel (Com. 26 juin 1990, n° 89-12.496). Pour autant, le prix fixé doit avoir un rapport avec la valeur des biens cédés.

 

 

B – Les conditions tenant au contenu de l’offre de reprise

 

L’article L642-2 du Code de commerce précise les mentions que doit comporter l’offre de reprise. Tout d’abord, l’offre doit être écrite et signée, à peine d’irrecevabilité, par le candidat à la reprise (T. com. Paris, 19 nov. 1986). Elle doit également comporter les indications suivantes :

 

   La désignation précise des biens, des droits et des contrats inclus dans l’offre ;

   Les prévisions d’activité et de financement ;

   Le prix offert, les modalités de règlement, la qualité des apporteurs de capitaux et, le cas échéant, leurs garants. Si l’offre propose un recours à l’emprunt, elle doit en préciser les conditions, en particulier de durée ;

   La date de réalisation de la cession ;

   Le niveau et les perspectives d’emploi justifiés par l’activité considérée ;

   Les garanties souscrites en vue d’assurer l’exécution de l’offre ;

   Les prévisions de cession d’actifs au cours des deux années suivant la cession ;

   La durée de chacun des engagements pris par l’auteur de l’offre ;

Les modalités de financement des garanties financières envisagées lorsqu’elles sont requises au titre des articles L. 516-1 et L. 516-2 du code de l’environnement.

 

En application de l’article R642-1 du Code de commerce, l’auteur de l’offre doit également attester qu’il n’est pas incapable au sens du premier alinéa de l’article L642-3 du Code de commerce.

 

Celui qui présente une offre de reprise doit porter une attention particulière à la rédaction de l’offre de reprise car « l’offre ne peut être ni modifiée, sauf dans un sens plus favorable aux objectifs mentionnées au premier alinéa de l’article L642-1, ni retirée » (article L642-2 du Code de commerce). Elle lie son auteur jusqu’à la décision du tribunal arrêtant le plan.

 

Si l’offre lie son auteur, celle-ci ne lie pas le tribunal qui peut exiger une amélioration de l’offre. Dans cette hypothèse, le candidat repreneur est en droit de retirer son offre s’il ne souhaite pas se conformer à ces obligations supplémentaires (CA Paris, 14 oct. 1988, n° 16-06-1988). Le candidat repreneur n’est pas obligé de se conformer aux modifications opérées par le tribunal, même si celles-ci sont mineures ou ne paraissent pas changer l’équilibre de l’offre (CA Paris, 12 mai 1995).

 

 

II – Quels sont les effets de la cession d’entreprise en cessation des paiements ?

 

La cession d’entreprise a pour effet la naissance d’obligations (A) ainsi que la cession de certains contrats (B).

 

A – Les obligations issues de la cession d’entreprise

 

Lorsque l’offre de reprise a été acceptée, le cessionnaire a l’obligation de payer le prix convenu dans l’offre. En fonction du contenu de l’offre et de la situation de la société cédée, le cessionnaire pourra être tenu de respecter certains engagements et certaines garanties comprises dans l’offre. Dans tous les cas, le but poursuivi par la cession oblige le cessionnaire a tenir ses engagements en matière de maintien de l’activité et de l’emploi.

 

Concernant les obligations et garanties à la charge du vendeur, l’acquéreur ne peut se prévaloir des règles du droit commun et spécial des contrats puisque la cession d’entreprise obéit à des règles propres et implique un certain aléa. Ainsi, le cessionnaire ne saurait invoquer ni l’exécution de délivrance, ni la garantie d’éviction, ni la rescision du prix pour cause de lésion. Il ne peut pas non plus invoquer un vice du consentement dès lors qu’il avait nécessairement connaissance du caractère aléatoire de la convention (Paris, 13 sept. 1994).

 

Toutefois, le cédant est tenu d’une obligation de loyauté à l’égard du repreneur de la société : il doit s’abstenir de développer une activité concurrente dans des conditions susceptibles de détourner la clientèle régulièrement cédée (Paris, 25 sept. 1996).

 

 

B – La cession forcée de certains contrats

 

Le maintien de l’activité et des emplois implique la cession de l’entreprise, des biens affectés à son activité mais également la cession de certains contrats. Pour cette raison, la cession de certains contrats ne nécessite pas le consentement du débiteur et de son cocontractant. L’article L642-7 du Code de commerce dispose en ce sens que « le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l’activité au vu des observations des cocontractants du débiteur transmises au liquidateur ou à l’administrateur lorsqu’il en a été désigné ». Le cocontractant ne saurait d’ailleurs opposer la caractère intuitu personae du contrat faisant l’objet d’une cession forcée. Ces contrats sont cédés sans aucune modification des stipulations initiales.

 

Outre la cession des contrats visés par l’article L642-7 du Code de commerce, les contrats de travail sont également compris dans la cession d’entreprise. En effet, aux termes de l’article L1224-1 du Code du travail, « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ». Mais conformément à l’article L1224-2 du Code du travail, le cessionnaire n’est pas tenu aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la cession.

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