Liquidation judiciaire : se défendre contre une extension de passif sur le patrimoine personnel

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Liquidation judiciaire : se défendre contre une extension de passif sur le patrimoine personnel

 

En principe, la création d’une société vaut création d’un nouveau sujet de droit. En tant que sujet de droit, la société peut conclure des contrats, ester en justice ou posséder des biens. La personnification de la société crée non seulement une personne juridique, mais également un patrimoine distinct de son dirigeant.

 

Dans des conditions normales, la séparation des patrimoines permet au dirigeant de protéger son patrimoine personnel contre l’action des créanciers de la société. Ces derniers, ne disposant qu’un pouvoir de gage sur le patrimoine de la société, ne peuvent pas atteindre le patrimoine personnel du dirigeant.

 

Néanmoins, la mauvaise foi ou la mauvaise gestion du dirigeant met parfois en péril les possibilités de recouvrement de la dette sociale. Ainsi, sous certaines conditions, le législateur a prévu qu’au cours d’une liquidation judiciaire, le chef d’entreprise pouvait subir une extension de passif sur son patrimoine personnel.

 

Tout chef d’entreprise a tout intérêt à connaître les situations dans lesquelles il risque une extension de passif (I) et les moyens de l’éviter (II).

 

 

I – Quelles sont les conditions d’extension du passif de liquidation judiciaire sur le patrimoine personnel ?

 

L’extension du passif de liquidation judiciaire sur le patrimoine personnel résulte de la confusion des patrimoines (A)mais également de la responsabilité pour insuffisance d’actif (B).

 

A – Les conditions de la confusion des patrimoines

 

En premier lieu, la confusion des patrimoines résulte du fait que les deux patrimoines soient difficilement dissociables en raison de leur importante imbrication. La jurisprudence admet que cette imbrication peut être totale ou partielle.

 

Traditionnellement, l’imbrication des patrimoines résulte de la confusion des comptes. Ainsi, lorsque la comptabilité permet d’identifier les flux financiers des deux entités, l’imbrication des patrimoines ne peut être reconnue (Cass. com., 8 janv. 2002). A contrario, la jurisprudence a reconnu qu’il y a imbrication des patrimoines lorsqu’une personne physique utilise son compte personnel comme compte de la société (Cass. com., 17 janv. 1995, n° 92-15.674).

 

En second lieu, la jurisprudence retient plus fréquemment qu’il y a confusion de patrimoines lorsqu’il existe une relation financière anormale entre les deux entités. Il existe une relation financière anormale lorsqu’une entité s’engage financièrement auprès de l’autre sans aucune contrepartie pour elle. Les flux financiers anormaux doivent être répétitifs et traduire la volonté de confondre les patrimoines.

 

De plus, la Cour de cassation retient que l’existence de flux financiers anormaux suffit à caractériser la confusion des patrimoines. Ainsi, « pour caractériser des relations financières anormales constitutives d’une confusion de patrimoines, les juges du fond n’ont pas à rechercher si celles-ci ont augmenté, au préjudice de ses créanciers, le passif du débiteur soumis à la procédure collective dont l’extension est demandée » (Cass. com., 16 juin 2015, n° 14-10.187).

 

B – Les conditions de la responsabilité pour insuffisance d’actif

 

La responsabilité pour insuffisance d’actif requiert la réunion de deux conditions : l’existence d’une faute de gestion et une insuffisance d’actif provoquée par la faute de gestion.

 

Premièrement, la faute de gestion ne faisant l’objet d’aucune définition légale, les juges retiennent une telle faute au cas par cas : irrégularités comptables, de détournements, de la violation d’obligations incombant aux commerçants, le non-respect d’obligations fiscales ou sociales, etc. Plus généralement, la faute de gestion résulte de l’action ou de l’abstention du chef d’entreprise contraire à l’intérêt social.

 

En second lieu, cette faute de gestion doit avoir provoqué une insuffisance d’actif.

 

II – Comment éviter une extension du passif de liquidation judiciaire sur le patrimoine personnel ?

 

Eu égard aux développements précédents, la défense du chef d’entreprise contre une extension du passif sur le patrimoine personnel repose essentiellement sur la bonne foi (A) et le recours aux conseils de professionnels (B).

 

A – La bonne foi

 

La bonne foi dans la gestion de l’entreprise est le meilleur remède contre l’engagement de la responsabilité du dirigeant et le cas échéant, l’extension de passif. Le gérant de bonne foi n’a aucune raison de se servir des comptes de la société pour poursuivre un but étranger à celle-ci.

 

De même, le gérant de bonne foi, soucieux de la survie de son entreprise, fera tout son possible pour éviter d’aggraver la situation financière de sa société. Toutes les conventions qu’il conclura seront conformes à l’objet et à l’intérêt social. En cas de difficultés financières, le gérant de bonne foi ne tardera pas à déclarer la cessation des paiements et ne prendra aucune décision susceptible d’aggraver sa situation financière.

 

Il est important de rappeler que l’extension de passif sur le patrimoine personnel est une sanction facultative en cas de responsabilité pour insuffisance pour actif. En effet, l’article L651-2 du Code de commerce dispose que :

 

« lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ».

 

Par conséquent, le chef d’entreprise peut hypothétiquement éviter une extension de passif, malgré la faute de gestion, s’il démontre la gestion de bonne foi de son entreprise.

 

B – S’entourer de professionnels

 

Que ce soit de manière préventive ou curative, le fait de s’entourer de professionnels est un gage de sécurité pour le chef d’entreprise.

 

De manière préventive, le conseil juridique et/ou comptable permet au chef d’entreprise de respecter les échéances et les démarches imposées par la loi. Le conseil apporté par ces professionnels permet d’opérer des montages financiers sécurisés permettant l’existence de flux financiers sans pour autant craindre que ces derniers soient considérés « anormaux ». Plus généralement, le conseil juridique permet d’éviter la faute de gestion.

 

De manière curative, le chef d’entreprise qui prend rapidement conseil auprès d’un professionnel permet d’être guidé rapidement en cas de difficultés financières. Enfin, le conseil apporté par un professionnel permet d’éviter les conseils erronés qui pourront lui être donnés par d’autres personnes. À titre d’exemple, il est peu recommandable de vider les biens de la société (ordinateurs, mobiliers, etc.) sous prétexte que ceux-ci seront vendus au rabais durant la procédure collective. Cette action, démontrant la mauvaise foi du gérant, peut justifier une extension de passif.

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