La rupture brutale des relations commerciales établies

La rupture brutale des relations commerciales établies

Le développement et l’organisation de l’activité d’une société nécessitent souvent l’intervention de partenaires commerciaux (producteurs, distributeurs, prestataires de service, etc) avec lesquels un entrepreneur entretient des relations commerciales plus ou moins durables. Lorsque celles-ci sont loyales et stables, elles représentent un facteur de croissance indéniable pour la société.

Il n’est cependant pas impossible qu’un partenaire vienne perturber cette stabilité en rompant brutalement la relation commerciale. Les conséquences d’une telle rupture peuvent être lourdes : elle est susceptible de compromettre la poursuite de l’activité et, le cas échéant, entraîner une cessation d’activité.

Afin d’éviter cette situation néfaste et réparer les préjudices causés par la rupture abusive, l’article L. 442-1, II du Code de commerce prévoit que :

« II. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »

Pour obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de l’article L. 442-1 du Code de commerce, il est donc nécessaire de déterminer si la rupture remplit les conditions de qualification de la rupture brutale des relations commerciales établies (I) et de saisir la bonne juridiction (II).

I. Quelles sont les conditions requises pour qualifier une rupture abusive des relations commerciales établies ?

Une telle qualification est retenue dès lors qu’une relation commerciale établie (1) est rompu brutalement (2) par un partenaire commercial.

1. Une relation commerciale établie

L’engagement de la responsabilité de l’auteur de la rupture repose, en premier lieu, sur l’existence d’une telle relation.

La jurisprudence retient qu’il existe une relation commerciale établie lorsqu’elle revêt « avant la rupture, un caractère suivi, stable et habituel, de nature à autoriser la partie victime de l’interruption à anticiper raisonnablement, pour l’avenir, une certaine continuité de flux d’affaires avec son partenaire commercial ». (Cass. com., 22 nov. 2016, n° 15-15.796).

La relation n’a pas à être permanente et continue : les juges apprécient l’existence d’une relation commerciale établie en tenant compte « de la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale » (Cass. com., 15 sept. 2009, n° 08-19.200 ; Cass. com., 5 avr. 2018, n°16-27.901). Donc, une succession de contrats ponctuels peut être suffisante pour caractériser une relation commerciale établie si les conditions sont réunies.

L’existence de la relation commerciale établie reposant sur divers éléments de faits, le cabinet B&O LEGAL peut vous informer sur ce point et vous accompagner dans la constitution de votre dossier afin d’obtenir réparation de votre préjudice.

2. Une rupture brutale

La rupture brutale peut résulter de l’absence de préavis écrit (a) ou de l’insuffisance du délai de préavis accordé au cocontractant (b).

a. L’absence de préavis écrit…

La notification verbale de la rupture des relations commerciales ne suffit pas : l’article L. 442-1 du Code de commerce dispose que la responsabilité de l’auteur de la rupture est engagée « en l’absence d’un préavis écrit ». Notons que les juges admettent que cet écrit peut être un simple courriel (Cass. com., 8 déc. 2015, n° 14-28.228).

Par ailleurs, il est important que cet écrit traduise une volonté non équivoque de son auteur à rompre les relations commerciales. En ce sens, la Cour de cassation a rappelé qu’il résultait nécessairement du préavis une « intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis » ; le caractère prévisible de la rupture n’exclut pas la qualification de rupture brutale (Cass. com., 6 sept. 2016, n° 14-25.891).

b. … ou un délai de préavis insuffisant

Lorsqu’il existe un préavis écrit, ce dernier doit être assorti d’un délai suffisant. En application de l’article L. 442-1 du Code de commerce, ce délai doit être déterminé en fonction de « de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels ». La loi ne faisant référence à aucun délai précis, les juges déterminent au cas par cas la suffisance du délai octroyé. Plus la relation commerciale est longue et significative pour l’activité du partenaire, plus le délai de préavis doit être long afin de laisser le temps à celui qui subit la rupture de réorganiser le mode de fonctionnement de sa société.

Toutefois, l’article L. 442-1 du Code de commerce dispose que :

« En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois »

En d’autres termes, la responsabilité de celui qui accorde un délai de préavis égal ou supérieur à dix-huit mois ne peut pas être engagée sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.

En présence d’un délai inférieur à dix-huit mois, le cabinet d’affaires B&O LEGAL peut vous éclairer sur la suffisance du délai de préavis en tenant compte des éléments de votre dossier.

Si toutes ces conditions sont réunies, celui qui a subi la rupture brutale pourra envisager une action en responsabilité sur le fondement de l’article L. 442-1 du Code civil qu’il faudra adresser à la juridiction compétente.

 

II – Quelle est la juridiction compétente en matière de rupture abusive des relations commerciales établies ?

Afin de soumettre son litige à la bonne juridiction, il faut combiner les règles d’attribution de compétence de droit commun (1) et les règles d’attribution de compétence spéciales aux ruptures brutales des relations commerciales (2).

1. La compétence de droit commun : le lieu du fait dommageable ou le lieu où le dommage a été subi

L’article 46 du Code de procédure civile dispose que :

« Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :

                en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation

de service ;

                en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;

                en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble ;

                en matière d’aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier.»

La responsabilité encourue par l’auteur de la rupture étant de nature délictuelle (Cass. com., 6 févr. 2007, n° 04-13.178), le demandeur peut alors saisir à sa convenance la juridiction compétente en prenant en considération :

➢ le lieu du fait dommageable ; 

➢ le lieu où le dommage a été subi.

Ce choix permet de déterminer la juridiction compétente parmi la liste des tribunaux dressée par le Code de commerce.

2. La compétence spécifique aux ruptures brutales : les juridictions énumérées par la loi

L’article L. 442-4, III du Code de commerce précise que « les litiges relatifs à l’application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret ». La juridiction compétente diffère pour les procédures de première instance (a) et les procédures en cause d’appel (b).

a. La compétence en première instance

L’article D. 442-3 du Code de commerce dispose :

« Pour l’application du III de l’article L. 442-4, le siège et le ressort des tribunaux judiciaires compétents en métropole et dans les départements d’outre-mer sont fixés conformément au tableau de l’annexe 4-2-2 du présent livre ».

En application des dispositions précitées, les huits sièges des tribunaux de commerce et des tribunaux mixtes de commerce compétents en matière de rupture abusive des relations commerciales établies sont les suivantes :

Marseille : pour le ressort des cours d’appel d’Aix-en-ProvenceBastiaMontpellier et Nîmes ;

Bordeaux : pour le ressort des cours d’appel d’AgenBordeauxLimogesPau et Toulouse ;

Lille : pour le ressort des cours d’appel d’AmiensDouaiReims et Rouen ;

Fort-de-France : pour le ressort des cours d’appel de Basse-TerreCayenne et de

Fort-de-France ;

Lyon : pour le ressort des cours d’appel de ChambéryGrenobleLyon et Riom ;

Nancy : pour le ressort des cours d’appel de BesançonColmarDijonMetz et Nancy ;

Paris : pour le ressort des cours d’appel de BourgesParisOrléansSaint-Denis de La Réunion et Versailles ;

Rennes : pour le ressort des cours d’appel d’AngersCaenPoitiers et Rennes.

b. La compétence en cause d’appel

En cause d’appel, l’article D. 442-4 du Code de commerce prévoit que la cour d’appel de Paris a une compétence exclusive.

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