La qualité à agir des associations et fédérations pour défendre les intérêts de leurs membres

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La qualité à agir des associations et fédérations pour défendre les intérêts de leurs membres

L’article 31 du Code de procédure civile dispose : 

« L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. » 

 

Le droit d’ester en justice est alors conditionné par deux éléments cumulatifs : l’existence d’un intérêt légitime et la qualité à agir en justice. À défaut, l’article 32 du même code sanctionne le défaut du droit d’agir par l’irrecevabilité́ de l’action. 

 

Si la question du droit d’action d’une personne, physique ou morale, subissant directement un préjudice causé par autrui ou une chose ne pose aucune difficulté sérieuse, la question de ce droit détenu par les associations pour défendre les intérêts individuels et/ou collectifs de leurs membres est moins aisée. 

 

Certaines dispositions légales, notamment en droit de la consommation ou en droit pénal, attribuent ce droit à certaines associations agréées et représentatives sur le plan national. Dans cette hypothèse, la qualité à agir de ces associations ne posent aucune difficulté dès lors qu’elles remplissent les conditions imposées par le texte et la jurisprudence. 

 

Pour cette raison, cet article s’intéressera plus particulièrement à l’action des associations et fédérations pour défendre les intérêts de leurs membres, en l’absence d’attribution légale, selon que le litige est soumis aux juridictions pénales (I), civiles (II) ou administratives (III)

 

I – La qualité à agir des associations et fédérations devant les juridictions pénales

 

L’article 2 du Code de procédure pénale prévoit que « l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ». 

 

Par exception, certaines dispositions du même code permettent à certaines associations d’ester en justice lorsque leur objet social vise la défense ou la protection de certaines personnes ou intérêts. À titre d’exemple, l’article 2-1 du Code de procédure pénale confère à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre le racisme, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en raison d’un préjudice subi par une personne de par son origine nationale. 

 

Dans un arrêt en date du 6 mars 1990, la Chambre criminelle a rappelé que « sauf dérogation législative, l’action civile ne peut être exercée devant les juridictions pénales que par celui qui a subi un préjudice personnel prenant directement sa source dans l’infraction poursuivie ». En l’espèce, le préjudice moral du l’Association pour le respect du suffrage universel n’était pas « distinct du préjudice résultant du trouble que les infractions poursuivies causent aux intérêts généraux de la société et dont la réparation est assurée par l’exercice de l’action publique ». Dès lors, la déclaration de constitution de partie civile de l’association, ne disposant d’aucune attribution légale en vertu du Code de procédure pénale, ne pouvait être déclarée recevable. Depuis cette jurisprudence, la Cour de cassation rappelle qu’une association souhaitant agir en justice afin de défendre les intérêts de ses membres doit disposer d’une attribution légale ou justifier d’un préjudice personnel et direct. 

 

Pour remplir cette seconde condition, la jurisprudence admet que l’association justifie d’un préjudice personnel et direct lorsque celui-ci porte atteinte à son objet social statutaire. Par un arrêt de rejet en date du 13 novembre 2012, la Cour de cassation rappelle que l’objet social de l’association doit être « suffisamment précis et univoque » (Cass. Crim, 13 nov. 2012, n° 12-82.195). 

 

Notons que l’action en réparation des préjudices subis individuellement par ses membres n’est pas ouverte aux associations. 

 

Ainsi, devant les juridictions pénales et en dehors de toute attribution légale, le droit d’agir des associations repose essentiellement sur son objet social. L’association qui envisage de défendre ses membres doit veiller à rédiger de manière rigoureuse ses statuts afin de ne pas être privé de ce droit. 

 

II – Le droit d’agir des associations et fédérations devant les juridictions civiles

 

La jurisprudence de la Chambre civile permet d’ériger deux conditions cumulatives de la recevabilité de l’action en justice d’une association. 

 

Tout d’abord, les juges retiennent qu’une telle action est recevable dès lors que l’association justifie d’un préjudice collectif distinct de celui des membres. À l’instar des juridictions pénales, les juridictions civiles n’admettent pas la recevabilité de l’action d’une association en réparation des préjudices subis individuellement par ses membres. Par un arrêt en date du 4 novembre 2004, la Cour de cassation a cassé́ la décision des juges du fond au visa de l’article 31 du Code de procédure civile et a rappelé que l’association devait rapporter la preuve d’un préjudice « collectif, direct et personnel, distinct des dommages propres à chacun des associés ». L’action de l’association doit avoir pour objet la réparation d’un préjudice collectif et non la réparation de préjudices individuellement subis par ses membres (Cass. 3e civ., 4 nov. 2004, n° 03-11.377). 

 

De plus, l’action d’une association en défense des intérêts de ses membres est déclarée recevable dès lors que le préjudice est en lien avec son objet social statutaire. Par un arrêt en date du 5 octobre 2006, la Cour de cassation a déclaré recevable l’action en justice d’une association de défense en réparation d’un intérêt collectif dès lors que cet intérêt entre dans le champ de son objet social (Civ. 2e, 5 oct. 2006, n° 05-17.602). 

 

III – Le droit d’agir des associations et fédérations devant les juridictions administratives

 

Devant les juridictions administratives, l’action des associations est susceptible d’être recevable en matière de contestation d’une décision administrative (A) et de question prioritaire de constitutionnalité (B)

 

A – La contestation d’une décision administrative 

 

Quelle que soit la juridiction, le principe est qu’une association doit disposer de la personnalité morale pour pouvoir agir en justice. En application de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901, une association acquiert la personnalité juridique au moment de sa déclaration au représentant de l’État dans le département du lieu du siège social. 

 

Contrairement aux juridictions pénales et civiles, le Conseil d’État admet qu’une association non déclarée puisse agir en justice en vue de contester une décision administrative par voie de recours pour excès de pouvoir. Dans une décision en date du 31 octobre 1969, le Conseil d’État a retenu que si les associations non déclarées n’ont pas la capacité d’ester en justice pour y défendre des droits patrimoniaux (elles ne disposent pas de la personnalité juridique), elles peuvent toutefois contester la légalité des actes administratifs contrevenant aux intérêts qu’elles ont pour mission de défendre (CE, 31 oct. 1969, Syndicat de défense des eaux de la Durance). 

 

Par un arrêt en date du 6 décembre 2012, la Cour administrative d’appel de Paris a rappelé que l’action d’une association non déclarée est recevable si la décision attaquée « fait grief aux intérêts que l’association […] s’est donnée pour mission de défendre ». En l’espèce, l’association justifiait « par ailleurs d’un objet suffisamment précis et d’un champ d’action géographiquement délimité, lui donnant intérêt pour agir à l’encontre de la décision attaquée » (CAA Paris, 6 déc. 2012, n°12PA00659). En ce sens, la Cour d’appel administrative de Douai a jugé que la généralité des termes employés dans les statuts d’une association ne permet pas à cette dernière de justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation d’un arrêté municipal (CAA Douai, 27 nov. 2013, n°12DA00884). 

 

Alors, une association, même non déclarée, peut agir en recours pour excès de pouvoir lorsqu’une décision administrative fait grief aux intérêts visés dans ses statuts qui doivent, par ailleurs, être suffisamment précis. 

 

B – La question prioritaire de constitutionnalité d’une loi 

 

L’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, portant loi sur le Conseil constitutionnel, prévoit que la question prioritaire de constitutionnalité est un « moyen » présenté devant les juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité peut être posée par toute partie au litige. 

 

Par une décision en date du 30 mars 2015, le Conseil d’État a retenu que « doit être regardée comme une partie à l’instance, ayant à ce titre qualité pour soulever une telle question, la personne qui a été invitée par la juridiction à présenter des observations et qui, si elle ne l’avait pas été, aurait eu qualité pour former tierce opposition » (CE, 30 mars 2015, n°387322). 

 

Donc, l’association, dont l’action a été jugée recevable, peut contester la constitutionnalité d’une loi devant les juridictions du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. 

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